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Le Petit Prince : une lecture en marge. Conversation avec Tuillang Yuing

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Le lecteur errant invité est le philosophe Tuillang Yuing Alfaro (1). La conversation qui suit constitue le work in progress (2) d'un essai qu'il développe sur Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry. Des idées en fragments, qui invitent à la réflexion autour de l'expérience de lecture. Le work in progress n'est pas seulement l'essai que Tuillang Yuing écrit sur Le Petit Prince, mais aussi les nouvelles lectures qui émergent de cette conversation même : une pensée qui se construit « à tâtons », sans boucler la boucle, sans prétendre arriver à aucune conclusion définitive..


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Le Petit Prince : une lecture en marge. Conversation avec Tuillang Yuing



Cartographies Errantes (CE) : Qu'est-ce qui t'a motivé à ces (re)lectures du Petit Prince ?

Tuillang Yuing (TY) : Cela a attiré puissamment mon attention lorsqu'en avril, à l'occasion de la Journée du Livre, j'ai vu une série d'articles de presse qui parlaient des livres les plus surestimés. C'étaient des livres qui étaient en quelque sorte décriés par des personnages censés avoir une culture littéraire plus profonde, et Le Petit Prince revenait très souvent. On a tendance à le lire comme un livre naïf, un cliché à l'extrême, qui n'apporte rien en termes de réflexion, quelque chose de très évident. Comme un livre qui n'offre pas grand-chose parce qu'il ne ferait que renforcer des lieux communs. Alors... eh bien, j'ai une opinion très différente. Je considère que c'est un livre assez profond. Bien que l'une des complications soit cette figure de cet enfant prince très blond, très européen — avec toute la charge symbolique que cela pouvait avoir à l'époque — malgré cela et en considérant l'intrigue et le contenu du livre, c'est une histoire que je trouve très remarquable. Il y a quelque chose de la fable surtout dans cette relation avec le végétal, avec l'animal...


CE : Cette relation avec l'animal et le végétal, qu'est-ce qui fait qu'elle n'est pas simplement un choix de style narratif ?


TY : Les grands personnages du Petit Prince sont un renard et une rose. Et ce n'est pas rien. La rose est Consuelo Saint-Exupéry dans la vie réelle. Elle a un livre qui s'appelle Mémoires de la rose. Je n'ai pas pu me le procurer pour le moment, mais il est certainement important pour compléter cette lecture. De plus, il y a une critique forte de certains étendards du capitalisme. La figure de l'homme d'affaires sur sa planète qui tourne autour de la production, du chiffre, du marketing...


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CE : Quand le Petit Prince arrive sur cette planète, le monde adulte, contrairement au renard et à la fleur, ne peut pas créer de liens, apprivoiser. Je me souviens que l'homme d'affaires a raconté au Petit Prince qu'en cinquante ans, seules trois choses l'avaient dérangé : un bourdon qui était tombé sur lui il y a vingt-deux ans, une crise de rhumatisme, et maintenant cette interruption. Il était occupé avec cinq cents millions de quelque chose. Le Petit Prince a demandé de quels millions il parlait, et l'homme a répondu que c'étaient ces choses brillantes que l'on voit dans le ciel. Quand l'enfant a compris qu'il parlait des étoiles, il a voulu savoir ce qu'il faisait avec cinq cents millions d'étoiles. La réponse fut simple et déconcertante : rien, il les possédait. Cet adulte avec des possessions mais sans temps me semble du côté du sérieux du monde adulte, un monde sans interruptions, sans rythme, sans espace pour l'interrogation ou l'émerveillement.


TY : Les formes de relation avec l'animal et le végétal représentent quelque chose qui échappe à la logique productiviste des autres planètes.


CE : Il y a un moment que tu soulignes particulièrement : celui de l'astronome turc. Pourrais-tu approfondir cette scène ?


TY : C'est une scène qui parle de la prédominance du savoir dans la mesure où il s'orne, dans la mesure où il s'habille, où il se déguise de l'habit européen, du sérieux adulte. Cela montre qu'en définitive, il existe des questions d'ordre — de ce que Rancière appellerait le partage du sensible — de comment nous nous habillons, de comment nous parlons, pour être entendus, pour être considérés avec vérité. L'astronome turc découvre l'astéroïde B-612, mais personne ne le croit quand il présente sa découverte vêtu de ses habits traditionnels. Des années plus tard, quand il se présente en costume européen, soudain sa découverte est acceptée comme valide. La vérité scientifique est exactement la même, mais les conditions d'énonciation ont changé. Saint-Exupéry signale quelque chose de brutal : que la légitimité de la connaissance ne dépend pas de la validité de ce qui est dit, mais de qui le dit et comment il se présente devant le monde.


CE : Une question sur les conditions de légitimité du discours, alors.


TY : Et cela se connecte directement avec la critique du monde adulte qui traverse tout le livre. Les adultes ne comprennent que le langage des chiffres, du quantifiable, du sérieux. Le livre dit que si tu leur parles d'une belle maison avec des géraniums aux fenêtres, ils ne comprennent rien. Mais si tu leur dis « une maison de cent mille francs », alors ils acquiescent avec compréhension. C'est une critique épistémologique profonde : le monde adulte a construit un régime de vérité où seul compte ce qui peut être mesuré, comptabilisé, inséré dans la logique de la valeur d'échange. Tout le reste — la beauté, les affects, la singularité — reste hors du cadre du lisible, de l'audible. C'est une forme de violence épistémique que le livre dénonce avec une innocence apparente.


CE : Revenons aux planètes que visite le Petit Prince avant d'arriver sur Terre : le buveur, l'allumeur de réverbères, le géographe. Comment lis-tu cette galerie de personnages ?


TY : Avant d'arriver sur Terre, le Petit Prince passe par une série de planètes qui symbolisent un certain isolement, certains mondes qui s'encapsulent en eux-mêmes. Et sur chacun on pourrait faire un petit essai. Il y a le buveur, prisonnier de cette relation illogique avec le vice, transformée en chaîne absurde. Il boit pour oublier qu'il a honte de boire. C'est une logique circulaire, auto-contenue, dont il ne peut s'échapper. La figure du pouvoir, le roi qui essaie d'être un pouvoir légitime, mais qui perd sa cohérence au moment même où il n'a personne à commander. Le pouvoir sans sujets se révèle comme pure imposture, comme performance vide. Le géographe est intéressant mais a aussi d'autres éléments — c'est celui qui enregistre mais n'explore jamais, celui qui catalogue des mondes sans jamais les habiter. C'est la figure de la connaissance sans expérience, du savoir bureaucratique. Chaque planète est une monade, un monde clos sur lui-même, incapable de communiquer ou d'établir des liens réels.

Ce sont des figures de l'isolement et cela le rend contemporain.


CE : Quel type de critiques lis-tu dans ces figures de la clôture et de l'hyperproductivité ?


TY : L'homme d'affaires est peut-être la critique la plus explicite. Il y a une critique forte de certains étendards du capitalisme. Ce personnage se croit sérieux et tourne autour de la production, du chiffre, du plus. Il est constamment en train de compter les étoiles pour les posséder, pour les déposer à la banque. C'est une critique très importante. Cette idée de l'accumulation pour l'accumulation elle-même, sans aucun but qui transcende la simple comptabilité. Les étoiles — qui sont beauté, mystère, distance — se réduisent à des unités comptables. C'est la logique de la marchandisation totale : tout peut être possédé, tout peut être quantifié, tout entre dans le régime de la valeur économique et tout, en plus, doit s'accroître : plus c'est toujours mieux.

Et le plus remarquable, c'est que Saint-Exupéry présente cela comme un absurde évident. Le Petit Prince ne comprend pas à quoi sert de posséder les étoiles si on ne peut rien en faire. C'est l'absurde du capitalisme financier avant la lettre : l'accumulation abstraite, le nombre pour le nombre, déconnecté de toute valeur d'usage réelle.

Les planètes que visite le Petit Prince sont des anticipations de cela : des mondes où chaque sujet est encapsulé dans sa propre logique, incapable d'établir des liens réels, réduit à une fonction — boire, commander, compter, produire. Ce sont des figures de la désaffection contemporaine, de l'isolement que produit le capitalisme tardif.

Le livre pose que le monde adulte a perdu quelque chose de fondamental : la capacité de s'émerveiller et d'établir des liens authentiques, de valoriser ce qui ne peut être réduit à un chiffre. Et c'est exactement le diagnostic dont nous avons besoin aujourd'hui.


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CE : Comment cette critique du monde adulte comme absurde dialogue-t-elle avec les préoccupations que tu as développées dans ton essai Mundana(l) sur la subjectivité contemporaine ?


TY : Écoute, tout d'abord : cette relation entre la perspective de Mundana(l) et cette critique de l'absurde du monde adulte. Je crois que je ne sais pas s'il y a tant de coïncidence que ça, mais oui, un goût pour le quotidien, non ? C'est-à-dire, un goût pour aller penser des questions qui ne sont pas nécessairement les grands thèmes ni de la politique ni de l'univers. C'est-à-dire, ce ne sont pas les grandes choses.


Je crois qu'il y a une prédilection pour le mineur, pour l'infime, pour le niveau le moins grand, de moindre pertinence. Et je crois que cela a un peu de ça, ce jeu : un jeu de penser des questions rudimentaires, des histoires minimales, comme dirait Pino Solanas.


CE : L'écrivaine argentine María Moreno se reconnaît dans une interview comme la cartonera de ses propres textes, de cette sorte de recyclage qu'a l'écriture. Alan Pauls la nomme la ciruja du savoir. J'aime beaucoup cette image de ciruja : penser les histoires minimales avec des histoires liminales, de recyclage de savoirs qui ne se jouent pas dans de grandes formes de pensée ni dans l'institution. Cette forme de cartonage, te semble-t-elle présente dans Mundana(l) ? Penses-tu que Le Petit Prince aurait quelque chose de ciruja (chiffonier) ?


TY : Je te réponds sur la question de la ciruja, cette chose artisanale. Je l'appellerais ainsi : s'il y a quelque chose d'artisanal dans Mundana(l), bien sûr. Et il faut rappeler là qu'en termes grecs philosophiques, l'artisanat, la technique, les sciences, sont très proches.

La technique se traduit souvent comme art, la mesure d'un savoir-faire, mais d'un savoir-faire clair, avec ce qu'il y a sous la main dans cette transformation. Et ce qu'il y a sous la main a souvent à voir avec le monde, avec les mondes qui font sens, construire avec les sens disponibles. Et en ce sens, oui, je concède qu'il y a une certaine proximité.



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CE : Je pensais à quelque chose en relisant ton essai Mundana(l) : à la page 145, tu dis qu'en abandonnant l'analyse du monde aux experts des sciences naturelles, la théorie sociale n'a pas cessé de se regarder le nombril et persiste à subordonner la crise environnementale d'aujourd'hui à la lutte contre le capitalisme, aux modes de production, en abordant les problèmes comme une question de ressources et de durabilité. Selon certaines analyses, on continue de penser qu'arranger le capitalisme change les choses, mais tu proposes quelque chose de différent : le désir incessant de croissance est le même paradoxe que de penser les limitations en termes de croissance. N'est-ce pas précisément ce qui arrive à l'homme d'affaires du Petit Prince ? Comment cette logique adulte de la possession et de la croissance se rapporte-t-elle à ce que tu poses sur la Communauté de l'Habitat du XXe siècle et comment celle-ci transforme le monde en quelque chose d'absurde ? Et je rebondis sur une question que tu dessines et qui me semble pertinente : comment pourrait-on alors penser, projeter ou écrire dans un monde commun si ces formes de vie sont réduites à des ressources ou même à des « droits fondamentaux » en relation avec l'environnement ?


TY : On a toujours parlé en sciences sociales de l'idée du contrat social, et on place toujours la politique du côté du social, d'une rencontre exclusivement entre les humains. La politique comme résultat des relations qu'établissent les humains, des relations sociales. Je crois que notre refus porte aussi sur la politique et la relation même entre les humains et l'humain, avec les relations essentielles des humains avec le monde, ce dont il s'agit c'est de transmettre, avec les bêtes, avec l'art, avec les ressources, avec toute une série d'éléments non humains, géologiques, de tout type, qui participent aussi de la façon dont les humains s'établissent dans le monde.


Mais il y a un livre de Michel Serres, très beau, qui s'appelle « Le contrat naturel ». Il n'insiste plus sur le contrat social, mais sur un mode différent de celui que la modernité a établi avec la nature. Et je crois que c'est une discussion dans laquelle on peut encore approfondir et dans laquelle je crois que beaucoup de théories de la théorie politique moderne ne lui ont pas donné la place qui lui correspond.


Il y a là une version, quelque chose que fait Latour, qui inverse une phrase de Marx. Il le fait très bien, parce que Marx dit : ce que les philosophes ont fait, c'est comprendre et interpréter le monde, et ce dont il s'agit c'est de le transformer. Latour dit : attention, ce que les spécialistes des sciences sociales ont fait bien souvent, c'est essayer de transformer le monde, mais ce dont il s'agit c'est plutôt de le comprendre. Et comprendre, c'est peut-être qu'il n'y a jamais eu de séparation entre science sociale et science naturelle, entre naturel et artificiel, que cette manière de comprendre la nature comme un aspect préalable, et au moins distant, différent du social, est un peu déjà caduque.


CE : Il y a une autre phrase que je souligne de ce livre, à propos de l'individu, du social et de ses médiations dans un chapitre intitulé « Le Bébé, la nature et l'ordre. Ré-écriture d'une critique de l'individu » : « Ainsi l'humain se configure non seulement d'une raison mais d'animalité, de technique, de microcomposants, de réseaux d'action, en un mot d'inhumanité » (p.104). Le Petit Prince apprivoise le renard, soigne la rose, établit des liens entre humanité et inhumanité. Que lis-tu dans ces fissures de l'anthropocentrisme ?


TY : Eh bien, sur ce texte, il y a cette critique de l'anthropocentrisme qui est un peu ce que je viens de te signaler. C'est-à-dire, apparemment, au-delà des positions politiques, de l'éventail politique qui s'est déployé depuis la modernité, il y a toujours eu une sorte de priorisation de l'humain comme mesure de la politique.


Par exemple, ce qui s'est passé avec la COVID, un virus qui peut être contaminant, contagieux. Et alors, ces aspects non humains commencent à avoir une place de plein droit dans la construction de la politique. Et bon, beaucoup de textes ont circulé. Il y en avait un de Miguel Benasayag qui m'a semblé fondamental, qui disait : eh bien, il s'avère qu'il y avait une série de mesures dont on pensait qu'à propos de l'environnement on ne pouvait pas les prendre, mais quand la COVID est arrivée et qu'il y a eu une peur réelle, il s'avère qu'on pouvait les mettre en œuvre. On pouvait établir des restrictions, des provisions, certaines limitations, il y a eu un ordonnancement.


Alors, qu'est-ce qui a motivé cette politique et qu'est-ce qui articule cette manière différente d'affronter le quotidien ? C'était quelque chose qui n'avait pas à voir avec l'humain, qui était ou qui est un danger pour une forme de vie qui menaçait l'humanité à ce moment-là.


CE : Tu soulignes une autre phrase du Petit Prince qui te semble centrale : « C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. »


TY : Cette phrase est l'une des plus puissantes du livre. Cette considération de l'affectif comme un temps précieux, qui échappe au temps chronologique et qui a à voir avec l'intensité, avec la création de liens, c'est ce que le renard enseigne au Petit Prince.


C'est une question en termes existentiels, ontologiques même, très précieuse et qui est le fruit d'une réflexion très rigoureuse sur comment on donne de la valeur au temps, comment on donne de la valeur au temps en fonction des liens qu'on établit.


CE : Qu'y a-t-il de radical dans cette façon de comprendre le temps ? Tu poses que le livre propose une économie affective alternative, quel serait le revers du temps productif ?


TY : Oui, et tous les livres et tous les auteurs ne se permettent pas de réaliser cette sorte d'insistance sur des éléments affectifs ou sentimentaux. Il y a quelque chose de courageux à soutenir le sentimental comme catégorie de pensée. Le livre dit que les liens affectifs ne sont pas ornementaux, ne sont pas le reste qui demeure après ce qui est vraiment important. Ils sont la substance même d'une vie significative. La rose n'est pas précieuse malgré le fait d'être vulnérable et exigeante, mais précisément à cause de cela.



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CE : Pourquoi crois-tu que l'affectif est si difficile à soutenir dans la critique culturelle ou dans la philosophie ? D'autre part, il semblerait qu'il y ait un terrain où prolifèrent les autorisations pour parler de l'affectif : quand on parle en termes de compétence émotionnelle...


TY : Maintenant, l'autre chose que tu me demandes : c'est difficile l'affectif dans la réflexion. Je crois qu'il y a une certaine peur d'exposer, de s'exposer. On pense toujours que l'affectif est gouverné par les clichés, par les lieux communs émotionnels, et c'est vrai. C'est-à-dire, il y a une grande quantité de littérature, de psychologie un peu bon marché, de livres de développement personnel, mais aussi le cinéma de bas niveau qui est gouverné par cette chose comme un sentimentalisme un peu standardisé. Alors, bon, je crois qu'il y a une sorte de peur d'aller par là si on n'en parle pas avec beaucoup d'intelligence. Je crois qu'il y a un peu de peur.


Mais je crois que même si on ne dispose pas de toute l'intelligence ni de toute l'éloquence pour traiter ces choses, on peut faire l'exercice. Je vois au moins des questions précieuses là dans Le Petit Prince qui échapperaient à ce côté si évident, si cliché, et je crois que ce sont des questions qu'on peut discuter. Je ne le vois pas d'emblée comme déjà complètement dominé par une question schématique, par Disney, pour ainsi dire, bien que cela soit aussi présent.


En effet, c'est intéressant parce que Le Petit Prince est justement dans cet interstice où d'une part il peut répondre à des questions qui sont précieuses, mais bien sûr il peut aussi être facilement un produit de sentimentalisme pour la vente. De fait, j'ai vu l'exposition du Petit Prince à la Plaza Baquedano et elle a beaucoup de ça. C'est-à-dire, tu peux l'offrir comme un produit mignon, attendrissant, mais si on creuse un peu plus, il a des questions intéressantes.


CE : Crois-tu qu'il y ait une relation entre ce discrédit du « sens commun du lecteur » et une certaine incapacité contemporaine à soutenir l'affectif comme catégorie de pensée sérieuse ?


TY : Je crois qu'au niveau d'une lecture très sérieuse, préoccupée, il y a une valorisation de l'affectif. C'est-à-dire, depuis le romantisme, se déploie la question de ce qui est ou de ce qu'est le sentimental. Mais il est vrai qu'à certains moments de la culture et de la culture du XXe siècle et du capitalisme de masse — on pourrait dire, comme d'une culture de masse inscrite dans le capitalisme —, il y a eu une colonisation du sentimental qui fait qu'on se méfie un peu de la perspective.


Je pense qu'une question importante, effective, c'est toute cette question entre Disney et le développement personnel, entre ces affects abstraits et des figures très classiques, très évidentes de la famille, du couple, des enfants qui sont des éléments complètement peuplés de mots communs, de discours, et qui peuvent être extrêmement instrumentaux, manipulables en termes de chantage social. La politique et la propagande se gargarisent avec ça.

Alors je crois que cette méfiance envers l'affectif a une certaine raison. Mais je crois que dans le cas, par exemple, du Petit Prince, il s'agit d'autre chose. Et qu'il faut savoir regarder ces questions. Il y a là une tentative plus ludique, moins syllogistique, moins de traité, qui permet de travailler avec certains éléments sentimentaux, affectifs ou du monde symbolique, même si on veut, qui font contrepoids à la question purement infantile dans laquelle le livre a été enfermé.




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CE : Tu as mentionné Consuelo Suncín, l'épouse salvadorienne de Saint-Exupéry, qui a écrit Mémoires de la rose. Qu'est-ce qui changerait dans notre lecture du livre si nous mettions Consuelo au centre ?


TY : Toute la biographie même de Saint-Exupéry et son amour avec Consuelo de Suncín et toute cette histoire donnent une perspective différente. Moi, au moins, ça m'a servi pour le voir autrement aussi, parce que c'est beaucoup plus terrestre, beaucoup plus d'un amour tourmenté. Consuelo est devenue veuve très tôt, elle est salvadorienne. C'est-à-dire, l'idée que ce soit une femme latino-américaine avec beaucoup de charisme, beaucoup de charme, avec une histoire d'amours pas simples et avec laquelle Saint-Exupéry a aussi une histoire pas si fluide, mais avec beaucoup de maladresses, beaucoup de trébuchements, me semble super pertinent. Comme il y a aussi la difficulté de l'amour, l'amour extrêmement terrestre de vies avec substance et avec charme.


Le Petit Prince fait aussi étalage des paysages du Salvador qui sont, dans une certaine mesure, pensés dans les planètes et leurs images. Alors je crois que c'est intéressant l'aspect biographique, il t'ouvre à d'autres questions. Et rappelons-nous que le personnage est quelqu'un qui montait dans un avion et se lançait à travers le monde aussi, chose qui n'est pas si propre aux intellectuels et qui en plus a été abattu à un certain moment. Je crois que toutes ces dimensions peuvent continuer à être élaborées.


CE : Comment lis-tu cette tension entre la charge symbolique coloniale du prince et le contenu critique du livre ?


TY : L'une des complications qu'a le livre, c'est cette figure de l'enfant prince, très blond, très hégémonique. Avec toute la charge symbolique que cela pouvait avoir. Nous ne pouvons pas ignorer ça. Le livre s'inscrit dans une tradition eurocentrique, dans une iconographie du pouvoir colonial.


Mais je crois que malgré cela — et je ne dis pas que ce n'est pas important — en considérant l'intrigue et le contenu du livre, il y a des éléments qui transcendent cette limitation. Le Petit Prince est européen, oui, mais il est aussi un étranger perpétuel, quelqu'un qui ne s'intègre sur aucune planète, qui dénonce l'absurde de chaque monde adulte qu'il visite. La tension est là et ne se résout pas facilement. Peut-être que ce qui est productif, c'est de lire le livre précisément dans cette tension : reconnaître son inscription dans une esthétique coloniale tout en sauvant ses outils critiques contre le capitalisme, contre la logique productiviste, contre le mépris de l'affectif.


CE : Une dernière question. Tu as mentionné que tu es en train d'« élaborer certains thèmes » du livre. Lesquels seraient-ce ?


TY : Les choses qui se sont présentées à moi aujourd'hui sont diverses. Il y a beaucoup de métaphore dans ce fait d'être sur une planète, une dénonciation d'un certain solipsisme qui dit quelque chose de ces sens uniques comme forme d'habiter son propre monde. Il y a un personnage que j'aime beaucoup, celui qui s'attache à la consigne. Le Petit Prince le trouve très noble parce qu'il ne se préoccupe pas de lui-même, mais c'est une sorte d'auto-esclavage par l'abnégation qu'il a, cette même dimension très spirituelle du travail qu'on ne peut pas éluder.



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(1) Doctor en Filosofía. Docente Facultad de Pedagogía Universidad Academia de Humanismo Cristiano


(2) Notas sobre el formato Work in progress: de la entrevista al diálogo. Por eso decía Ricardo Piglia que "la noción joyceana de work in progress, de obra en marcha, de dispositivo que nunca está fijo, es básica". Abriéndose al abandono, a avanzar a tientas, da la sensación de una novela que se va armando a lo largo de un solo día, ¿no es acaso el mismo viejo equívoco que puede tener una lectura que merodea, que no va a ninguna parte, sino que queda suspendida? ¿qué pasa si esa lectura se convierte en diálogos entre aquellos lectores que no pretenden cerrar el círculo, comprender, arribar, sino leer en el libro, la ausencia de libro?

El placer de leer construye hace que este texto funcione como umbral entre distintos registros: comienza siendo una entrevista tradicional con un lector errante, luego los lectores náufragos plantean sus divagaciones al lector.


La lectura coral "avant la tête" es una lectura que va al encuentro de lo escrito precisamente en su punto ciego, en su zona de indeterminación. Esperamos que este tipo de lectura coral bordee el sentido del texto que no es más que el placer del texto: el disfrute del lector libre de cualquier tipo de ataduras. Las voces que dialogan son "lectoras huérfanas"-sin filiación teórica única-, que intercambian guiños y dislocan con sus ideas intempestivas cualquier precisión de sentido.


Referencias


Saint-Exupéry, A. de. (2008). El principito (B. del Carril, Trad.). Salamandra. (Obra original publicada en 1943)


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CE: abrimos el diálogo hacia los lectores errantes


Intervención Lector 1.

 

Creo que hay una estética colonial en El Principito, pero no un contenido colonial. Saint-Exupéry escribe desde lo que es, desde su entorno, y en ese momento Francia tiene un imperio colonial. Escribe en los años 30, entre las dos guerras, en pleno apogeo del imperio francés. Murió alrededor del final de la Segunda Guerra Mundial cuando su avión desapareció, probablemente derribado por un caza alemán. Escribe desde su vida, pero eso no define el sentido del libro. El Principito se presenta casi como una leyenda, como el cuento de un bardo o un griot africano. La estética colonial aparece, pero no es lo central.


En el planeta del Principito hay una rosa —belleza, compañera— que exige. Pero también hay volcanes y baobabs, árboles africanos famosos por su tronco ancho que a veces queda vacío por dentro. El baobab es un pilar ancho pero no muy alto, y en los países donde crece es el lugar donde la gente se reúne a contar historias. Entonces en el planeta del Principito hay una floresta de árboles de palabras. Esto cumple una función doble: para los niños franceses, el baobab es exotismo, el árbol de países lejanos pero familiar porque forma parte del imperio colonial. Y también es el árbol de los cuentos, donde la gente de estos pueblos lejanos se junta y habla.


No sé si es significativo que Saint-Exupéry use un árbol africano, no de su tierra, para contar una historia a niños franceses. ¿Hay algo ahí de apropiación de la estética colonial? Tal vez.


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Pero el Principito, más allá de eso, lo veo como un koan para niños. Ostensiblemente es un cuento infantil, pero es un cuento para despertar, para ayudar al entendimiento. Los planetas —más que una crítica de la sociedad o del capitalismo, aunque también hay eso— representan modos vinculados de pensamiento, pensamientos limitados. Esto contrasta con el niño, el Principito, cuyo pensamiento es libre.


La libertad del pensamiento también está en el zorro, aunque la pierde un poco al vincularse con el Principito. El Principito, como niño, no tiene prejuicios. No tiene más limitaciones que su propia experiencia. Cada planeta que visita muestra a alguien con un pensamiento limitado por otros factores: ideológicos, existenciales. El alcohólico, el economista, etc.


Finalmente llega a la Tierra y encuentra al aviador, que es un poco menos vinculado que los otros. Siendo aviador, viaja, pero en ese momento está limitado por su necesidad: está varado en el desierto y su avión no funciona. Tiene esa preocupación, no es libre como el Principito. Cada otro adulto está completamente atrapado en su propio asteroide.


Cuando el Principito le pide "Dibújame una oveja", el aviador, que no logra hacer un dibujo aceptable, tiene la idea de dibujar la caja donde está la oveja. Ahí se ve que no ha perdido completamente su imaginación. Para mí, el libro es eso: una ilustración para niños de las trampas de pensamiento donde pueden caer cuando crecen. Una advertencia.


Implícitamente dice: de todos modos vas a caer en eso, quizás te vas a quedar como el aviador. Pero por lo menos no como el alcohólico en su asteroide o como el economista. Y quizás, quizás hay una posibilidad de que ni siquiera te quedes como el aviador. Te quedas Principito. Y eso sería lo mejor. ¿no?


Lo veo más como algo universal y menos político, aunque la política quizás entra por la puerta chica del lector.


Una pregunta que me hago cuando se me pide discurrir sobre libros: ¿qué tan legítima es mi interpretación respecto a las de los demás? ¿Está bien que llenemos de nuestros sesgos los textos de otros? ¿Pueden los textos contenerlos todos sin perder sentido?



Intervención Lector 2

 

Cuando te escuchaba, pensaba —quizás forzando la articulación— en por qué llamarlo "el Principito": un niño, extranjero, que gobierna su propio asteroide. Es imposible no vincularlo con algo que vengo estudiando: las estrategias de gobierno, el gobierno de las poblaciones. Has trabajado sobre Foucault y cómo la gubernamentalidad aparece como correlato de la genealogía de las prácticas de gobierno.


En Foucault podemos encontrar referencias a la soberanía tanto en las reflexiones sobre el ejercicio del poder como en las reconstrucciones de las transformaciones en las dinámicas de producción de subjetividad. Las relaciones de sujeción producen subjetividades políticamente dóciles y económicamente útiles.

En la antípoda del Petit Prince está Il Principe de Maquiavelo —no el petit sino el líder fuerte que debe estar dispuesto a usar cualquier medio, como el engaño o la fuerza, para asegurar la estabilidad del Estado. Sé que es un pensamiento analógico. Para el contexto del siglo XVI, en una Italia dividida y vulnerable a invasiones extranjeras, surge la pregunta: ¿cómo un príncipe gobierna un principado que es más difícil de mantener que uno hereditario?


Si el príncipe quiere conseguir estabilidad, debe pensar que eso es la virtud. Mentir, engañar o ser cruel es legítimo si se mantiene la estabilidad. Pero hay una defensa importante de la apariencia: es más importante parecer virtuoso que serlo, porque la mayoría de la gente solo juzga por las apariencias.


Los discursos antimaquiavélicos surgidos desde mediados del siglo XVI hasta fines del XVIII buscan sustituir estos consejos destinados a acrecentar las habilidades del Príncipe relacionadas con la conservación del poder. Se centran en consideraciones que toman en cuenta la relación entre territorio y población.

Mientras en Maquiavelo el territorio y la población aparecen como "objetos" del ejercicio del poder del príncipe, en la literatura antimaquiavélica el problema del gobierno se centra en la articulación entre estas dos instancias. Para Foucault, la soberanía en su forma tradicional invisibiliza, obnubila y no permite ver el funcionamiento del poder en su nivel microfísico.


¿Cuáles son las formas de ejercicio de poder de este Principito que podría estar en la antípoda del Príncipe?


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Interrupción Lector  1

 

Maquiavelo era republicano. El Príncipe no es lo que piensa Maquiavelo, es lo que encuentra abominable pero observa como algo práctico en los dirigentes de su época. La gente toma El Príncipe como un manual, pero no lo es. Es Maquiavelo diciendo: miren a estos que están corrompiendo todo. Así hacen. Es un panfleto sarcástico.


El Principito no es príncipe de nadie. Está solo en su asteroide, tiene la rosa, pero la rosa no es un sujeto, es un compañero, una compañera que no habla. El Principito no tiene poder. Es principito del mismo modo que Blancanieves es princesa: es el protagonista de un cuento de hadas, que es lo que —para mí por lo menos— escribió Saint-Exupéry.


¿Principito, por qué? Los niños son príncipes para los padres. Fundamentalmente inofensivo. Está más allá del bien y el mal, pero pregunta. Es alguien que observa, pregunta y se hace amigos en el camino, pero no actúa sobre el mundo.


Respuesta Lector  2

 

Me tomo de eso para decir que es interesante la figura del niño. Los niños pueden ser príncipes a los ojos de sus padres, y también pueden ser síntoma de los padres en la medida en que están en posición de revelar el modo en que sufren en su relación con el goce.


Hablo del síntoma no como trastorno, sino desde una lectura psicoanalítica: el síntoma del niño es lo que hace cruz al discurso del amo. Por ejemplo, lo escolar, la producción, los discursos eficientistas son formas de gobernar a partir de discursos tan armados, tan sin fisura, que se contraponen a lo que precisamente son.


Arendt tiene un ensayo sobre cómo la educación está permanentemente en crisis en la medida en que está abierta hacia lo nuevo, las nuevas generaciones. El tema es qué hacemos con esa fisura, ese corte propio de la crisis, evitando el taponearlo con el peso de lo de siempre, clausurarlo con el peso de lo mismo. Los síntomas también pueden leerse como resistencias a un discurso que parece tan armado, tan sin fisura.


Y ahí viene esta idea de que el príncipe rubio está jugando con esa apariencia de lo que se supone virtuoso, de lo que se supone un ser ante los ojos del otro. Viene a mostrar otra cosa, precisamente porque es un príncipe sin reino. La grandeza de los hombres maquiavélicos está constituida por un afuera que es la mirada popular. Es decir, el príncipe ES lo que el pueblo cree que es. En este sentido, el Principito —"le petit Prince"— no es el Príncipe de Maquiavelo. El Principito no es ni virtuoso ni malo. Es desvinculado, está más allá de cualquier moral.


Intervención Lector 3

 

Pienso en el semblante. Lacan dice algo así como que el semblante no es fingir, el semblante es lo que constituye el lugar del Otro. El Principito no está fingiendo ser un príncipe, está habitando un semblante de príncipe que produce efectos reales en sus relaciones.


Sobre lo que decía Tuillang: la idea del semblante, que me gustó mucho —parecer algo para ser legitimado. Si Maquiavelo dice que a un príncipe no le es necesario tener todas las cualidades mencionadas sino parecerlas, el Principito no necesita tener poder, solo necesita parecer un príncipe para que funcione su modo de relacionarse. El poder del principito puede estar en otro orden y de hecho creo que lo está, que el de la posesión.


Pero entonces la pregunta es: ¿eso es un engaño? Si el príncipe puede fingir ser eso que no es, es precisamente porque el pueblo es pasible de ser engañado. Pero el Principito no engaña, simplemente... es. Hay una escena que encuentro increíble cuando visita al asteroide dond se encontraba el rey en su trono, lo primero que le señala el rey cuando lo ve es "he aquí un súbdito" y la pregunta no menor que se hace el principito es ¿cómo puede reconocerme si nunca me ha visto antes? Es un reconocimiento sin verlo, porque está en función de perpetura el lugar de él como rey. Es más el como amo está sujeto a sus esclavos. Y su trabajo es transformar la pregunta, la duda de sus súbitos, la incertidumbre en una orden, en una certeza. Y comienza el juego de prohibiciones y autorizaciones, ordenes que son consecuencia de los propios súbditos.


Una monarquía absoluta no gobierna únicamente por la fuerza y el miedo sino también por la creencia que su pueblo tiene en ella. El pueblo cree en aquello que aparece ante sí, en la medida en que ello satisface su deseo o despierta pasiones que lo mueven a creer. El Principito cuestiona a todos los adultos de todos los planetas. Cuestiona el poder del rey, la vanidad del vanidoso, la posesión del hombre de negocios. Es el que tiene el privilegio de no estar vinculado. Todos los demás están atrapados en sus asteroides, en sus obsesiones, en sus modos de pensamiento. Solo el Principito puede viajar libremente. Pero aparece como príncipe. Y eso produce que el aviador lo trate como príncipe, que nosotros como lectores lo tratemos como príncipe. Hay un efecto que tiene el semblante como posibilidad de que pueda darse una creencia.


Y ahí mi pregunta a Tuillang: ¿Qué piensas sobre si esta cuestión de lo natural, o la necesidad de otras relaciones, lo no humano, son una forma de cuidar de sí? ¿Es deseable una ética del cuidado de sí como respuesta a este mundo que no domestica ni cuida?


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Intervención Lector  4


Si bien entiendo que estas son lecturas al margen y que nos permiten dar vuelta a distintas significaciones a las que apela este libro, me parece que no hay que olvidar el contexto en el cual surge. Por una parte, hay muchos aspectos del libro que lo vuelven tan actual, tan universal , es un libro con algo que se encuentra muchas veces en la vida. Le pregunto a Tuillang por ese contexto, ¿no?, porque la otra vez leía de una ilustradora, que nos recuerda lo triste que estaba Saint-Exupéry cuando lo escribió. Se trata de un libro escrito en el exilio, lejos de Francia, en Estados Unidos, de cara a los horrores y decepciones de la guerra. Pensaba en qué medida también puede leerse como un libro de duelo. No sé si sobre el duelo, pero de duelo, el duelo del exilio, de la esperanza en una idea reconciliadora de la cultura y de la diferencia que mostraron la caducidad de muchas cosas que se estaban pensando permanentes.


Y me remito aquí a un punto muy presente en esta relectura del Principito. El principito es en su materialidad, un texto corto, no supera las 100 páginas, y además tiene un ritmo vertiginoso que además da la impresión que se corresponde con el ritmo de su viaje. Uno como lector en un momento piensa que lleva unos ocho días perdidos desde que conoció al aviador. En efecto, luego sabemos que es su aniversario, el día que se cumple un año que cayó en la tierra y que no puede volver a su planeta. Es la figura del Nostos: el Nostos de Ulises es aquel que regresa a Ítaca, después de la destrucción. La palabra nostalgia está compuesta de nostos, "regreso", y álgos, dolor. Nostalgia significa pues, dolor por el regreso, o por decirlo mejor, por no poder regresar. Ulises se ve obligado a experimentar el dolor de estar lejos de su hogar, junto con el deseo incontenible de volver “el ansia de todos mis días es el de llegar a mi casa y gozar de la luz del regreso”.


Pero hay otra versión de la nostalgia en este viaje del principito. Y que se encuentra en las estrellas: "Esta noche hará un año. Mi estrella se encontrará exactamente sobre el lugar donde caí el año pasado."


¿Qué hace el tiempo con lo que está destinado a perecer?


Cuando miras al cielo, la velocidad de la luz es finita. Y define un máximo para la velocidad de transmisión del universo. Entonces, cuando uno mira cualquier cosa, lo ve en el pasado, o microsegundo, o nanosegundo, un segundo, atrás, millones de años y entonces la astronomía es extraordinariamente remitente al pasado literalmente. El hecho de que la velocidad de la luz sea la velocidad máxima de transmisión de información y eso fue uno de los insights de Einstein, no hay simultaneidad absoluta en el universo. Es decir que si nos ponemos en un punto de referencia que sea el observador, si no hay simultaneidad absoluta en el universo tampoco hay un marco temporal único en el universo, significa que decir "estoy mirando en el pasado" no es falso, pero no estás mirando a tu pasado, estás mirando a tu presente. Si miro a una galaxia que ha emitido su luz hace mil millones de años después del Big Bang, mucha de la estrella que pueblan esa galaxia ya son muertas y la galaxia formó otras... la mirada me permite estudiar una época del universo.


Se que el universo es homogéneo en escalas grandes que no hay privilegios sin importar en qué punto miro. Si miro a mi pasado de un lugar distante eso se parece al pasado del lugar donde me encuentro. Entonces, mirar a objetos distantes permite de estudiar el tiempo. Pero el objeto mismo, por la ausencia de simultaneidad, se encuentra en mi presente. Las estrellas tienen un tiempo de viaje de la luz hasta mi ojo, pero aparecen siempre en mi presente. Aunque su luz haya empezado hace miles o millones de años, siempre las estoy viendo ahora.


Ahora bien pensaba en este texto y pensaba en el duelo y en algo que Freud, luego desarrollaría en duelo y melancolía, habla en su artículo la transitoriedad publicado en 1916. Freud reflexiona sobre el valor de lo efímero frente a un interlocutor que se lamenta porque todo lo bello está destinado a perecer, el poeta. Freud responde que el carácter perecedero de las cosas no disminuye su valor, sino que lo acrecienta. La transitoriedad implica una "escasez en el tiempo": lo que es bello solo por un instante no es menos valioso que lo eterno. Al contrario, su fragilidad temporal le confiere un valor único, irrepetible.


El principito comprende esto cuando regresa al lugar exacto de su caída un año después. Ese punto en el desierto no es cualquier punto: es el lugar donde algo comenzó y algo terminó, donde el tiempo dejó su marca. El aniversario es una forma de hacer presente lo ausente, de reconocer que aquello que fue, fue en un tiempo y espacio específicos, y que ya no volverá a ser. Se trataría del ritual de la memoria. La estrella que se encontrará "exactamente sobre el lugar donde caí el año pasado" es una forma de cartografiar el duelo: marcar en el cielo y en la tierra las coordenadas de una pérdida. Me parece que todo su viaje tiene algo del trabajo sobre estas pérdidas. Cuando el principito mira su estrella, ¿está mirando su presente o su pasado? Si la luz tiene una velocidad finita, entonces la estrella que ve ya no está exactamente donde parece estar. La imagen que llega a sus ojos es una imagen retrasada, una huella lumínica de lo que la estrella fue hace un tiempo determinado. Mirar el cielo es siempre mirar el pasado. Y sin embargo, esa mirada del pasado ocurre en el presente, en el ahora de quien observa.


Esta paradoja temporal está en el corazón de la nostalgia y del duelo. ¿Qué significa entonces que el principito "regrese" a su planeta después de un año en la Tierra? ¿Qué es lo que caduca en ese intervalo?


Freud señala que la transitoriedad despierta en nosotros dos reacciones: el duelo anticipado o la revuelta contra el hecho de la caducidad. Algunos, ante la certeza de la pérdida futura, se niegan a investir emocionalmente en lo que saben que se perderá. Prefieren no amar, no desear, no apegarse, para ahorrarse el dolor del duelo. Otros, en cambio, aceptan que todo lo que amamos está destinado a perecer, y precisamente por eso lo aman con mayor intensidad. El principito me atrevo a pensar pertenece a esta segunda categoría: ama a su rosa sabiendo que es frágil, que puede morir, que necesita cuidados constantes. Al menos eso creo que descubre en este viaje. Él lo inicia cansado de las demandas de su rosa, para en esta perspectiva entenderla. Y es precisamente esa fragilidad la que la hace única.


¿Qué caduca en El Principito? Caduca la ilusión de la permanencia, caduca la idea de que podemos regresar al lugar que dejamos, caduca la fantasía de que el tiempo no transforma las cosas. Pero también caduca—y esto es lo más doloroso—la posibilidad del reencuentro sin pérdida. Freud termina su ensayo sobre la transitoriedad con una reflexión sobre el duelo colectivo que impuso la Primera Guerra Mundial. La guerra destruyó la ilusión de la permanencia de la cultura europea, reveló la fragilidad de todo lo que se creía eterno. Pero Freud concluye con una nota de esperanza: después del duelo vendrá la reconstrucción, y lo que se reconstruya será valorado precisamente porque se sabe que es frágil, que puede perderse, que debe cuidarse. ¿No es esa responsabilidad inseparable de la conciencia de la transitoriedad? ¿No cuidamos lo que amamos precisamente porque sabemos que puede perderse, y no lo amamos con mayor intensidad justamente porque puede perderse?

 

Cartógrafa errante: Cedo la palabra a Tuillang si puedes tomar algunos comentarios, preguntas y divagaciones …

 

TUILLANG : Y bueno, no sé si tengo mucho más que agregar. Solo agradecer el diálogo, las ideas, todo ese juego de miradas que permite pensar con otros y aprender de oído, de la charla.


Desde luego la cuestión de la muerte está atravesando el libro también. La cuestión del quiebre, de la decisión de partir... Creo que tenemos charla para mucho rato más. Les agradezco de nuevo.

 
 
 

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